Art-thérapie : rencontre avec la réalisatrice Aline Moens

Article : Art-thérapie : rencontre avec la réalisatrice Aline Moens
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1 juin 2013

Art-thérapie : rencontre avec la réalisatrice Aline Moens

Entre l’hospitalisation en phase aiguë et le retour du patient psychiatrique dans son environnement habituel, à ses activités antérieures ou parfois dans le but de favoriser son adaptation dans un mode de fonctionnement nouveau, le pont de la réinsertion et de la réhabilitation est plus que nécessaire. C’est dans ce cadre que l’art-thérapie s’inscrit.

Cette semaine, à l’atelier d’expression du service de Psychiatrie du CHNU de Fann, je suis allée à la rencontre de deux art-thérapeutes : Aline Moens, animatrice d’atelier et réalisatrice de film d’animation, travaillant à l’atelier Graphoui en France et Armin Kane, plasticien, et assistant de Alassane Seck, le responsable de Rescap’Art.

Arts plastiques
Tableau, Arts plastiques                                                       – Armin Kane ©

Le but de la visite d’Aline au Sénégal est de visiter notre atelier et de prendre les contacts qui lui permettront de réaliser un projet de film d’animation, en collaboration avec l’équipe de Fann, en 2014. À cette occasion, nous avons visionné quelques précédentes réalisations d’Aline :

1. Heures animées est un atelier de dessin animé de 20 minutes, créé par les patients atteints de pathologies mentales. Chacun exprimant de la façon la plus naturelle, sa manière de percevoir la vie ou « ses heurts ». Il faut être particulièrement attentif pour suivre le fil de la pensée du patient et ce qu’il veut transmettre à travers ces images.

Les scènes mettent en mouvement les dessins des patients au fur et à mesure que chaque trait est exécuté. Armin explique qu’il s’agit de la technique de pixilation, qui peut nécessiter jusqu’à 7OO clichés pour obtenir 40 secondes de film.

Pour lui, le cinéma d’animation a une dimension artistique plus parlante que la forme de cinéma à laquelle nous sommes habituellement exposés. Chaque scène est commentée par le patient lui-même ou si jamais, il se montre réticent, ses phrases enregistrées en privé sont reprises par une voix différente.

   2. J’annonce est un ensemble de 4 films mis sur pied par la plateforme Prévention SIDA en partenariat avec l’atelier Graphoui. Ce projet a été réalisé par le GRECOS (groupe de réflexion et de communication sur la séropositivité), Aline Moens et Thibaut Verly. Deux présentations ont attiré mon attention :

  • La première est celle d’une jeune Camerounaise très radieuse, qui a failli sombrer dans la dépression après l’annonce de sa positivité au test du VIH. Elle criait à qui voulait l’entendre qu’elle était séropositive, et ce surtout si un homme se hasardait à lui faire des compliments sur son physique. Elle a fini par reprendre goût à la vie, elle s’est mise à chanter et à faire du spectacle. C’est à ce moment qu’elle s’est sentie plus en vie que jamais.
  • La deuxième est celle d’un couple de personnes infectées par le VIH, qui ont décrit les remarques négatives et discriminatoires que leurs proches faisaient aux personnes comme eux : « quand j’étais avec mon ex-copine, je me souviens avec tristesse du jour où elle m’a dit, si on brûle tous les séropositifs, on n’ aura plus de SIDA sur la terre ». Ce type de préjugés les a découragés à tel point qu’ils se sont promis de garder leur secret pour eux. Sur le film, on voit à la place de leurs visages, les mains de chaque personne qui dessinent grossièrement sur un miroir, à l’aide d’un feutre noir, le visage de son partenaire.

Pour voir le film en entier, cliquez ici.

Par la suite, nous avons eu une discussion intéressante et riche. Le but de notre entretien était d’une part de consulter sur leur projet, d’autre part de savoir de quelle manière l’art-thérapie peut aider un patient à trouver sa voie, à se reconstruire, et aussi à quel point ces exercices d’ouverture de soi peuvent aussi être bénéfiques pour le thérapeute.

À cet effet, Aline dit que ce travail lui permet de « dissoudre les différences, les séparations entre les gens » et de comprendre que « la réalité c’est des mondes et des mondes, le monde de chacun mêlé au monde de chacun ». Armin quant à lui insiste sur la liberté d’expression qui permet au patient de se redécouvrir et l’effet de groupe créé dans l’atelier qui aide à la réinsertion sociale.

Nous vous proposons de suivre cette conversation en intégralité :

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Pour en savoir plus sur l’atelier Graphoui :

https://www.graphoui.org/

 

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NathyK

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