7 juin 2014

Non, vous n’êtes pas schizophrènes !

Hystérie et hypnose
Démonstration de l’hypnose chez une hystérique.
Crédit Photo : André Brouillet

De coutume, on n’entend pas les gens se vanter revendiquer d’être atteint d’une affection organique grave. C’est à la limite une malédiction que le plus pieux de nos congénères souhaite éradiquer par la voie sacrée de la prière, à défaut de se rendre dans les hôpitaux publics qui ont de plus en plus mauvaise réputation de nos jours. Vous imaginez quelqu’un dire fièrement : « je suis tuberculeux » ?

Mais comme c’est marrant, troublant et même étonnant d’entendre la personne lambda dire avec insistance et conviction qu’il est schizophrène, maniaque ou sortir le très raffiné : « j’ai un TOC* ». C’est encore plus déconcertant quand ces expressions fashions sont empruntées par des personnes super instruites ou des vaillants mondoblogueurs – si, si, j’en ai répertorié dans pas moins de quatre blogs – mais je ne blâme personne. La culture populaire a tout simplement accordé des faux sens à ces pathologies psychiatriques très lourdes à porter.

Mais et encore un mais, continuer à laisser mes tympans grésiller à l’entente de ces pseudo-diagnostics ne serait pas rendre justice à la science, encore moins à ma communauté face à laquelle j’ai un devoir inéluctable d’information et de sensibilisation. Idéalement, j’aurais fait un top 10, mais je ne souhaite pas vous achever par overdose d’antipsychotiques.

1/ Commençons donc par le fameux « je suis schizophrène »

Le sens courant veut que la schizophrénie se traduise par une soi-disant « double personnalité ». Quand les gens veulent s’attribuer à tort ou à raison une identité sociale multiple voire métissée ou une personnalité double avec des états d’esprit souvent changeants, ils disent tout bonnement « je suis schizophrène ».

Nein** ! La schizophrénie de Bleuler n’a rien voir avec à une labilité de l’humeur. Et elle n’est pas non plus assimilable à un dédoublement dont résultent des personnalités entières, indépendantes qui s’interchangent chez un même sujet. Sa psychopathologie nous renvoie plutôt à la fragmentation d’une seule et même personnalité. Ce morcellement très angoissant se traduit cliniquement par un syndrome dissociatif. Ce qui revient à dire en des termes simples que : « Est schizophrène, celui qui vous raconte une histoire pathétique en riant aux éclats, sans qu’il ne puisse se rendre compte du contraste créé entre sa pensée, son émotion et son action ». Ne lui demandez pas pourquoi, il ne saura pas vous en donnez la raison.

2/ Continuons par le très perspicace « je suis maniaque »

Quand quelqu’un te lance qu’il est maniaque, ça fend l’air comme un couperet. Traduction : « Je suis obsédée par la propreté, le rangement, l’ordre et je ne tolérerai pas qu’un grain de poussière vienne salir mon précieux tapis persan. S’il te plaît, ôte tes savates, lave-toi les pieds à l’eau javellisée, essuie-toi méticuleusement chaque espace interdigital, attend qu’ils sèchent à l’air libre avant que je ne te laisse traverser l’encadrure de la porte de mon immaculée demeure ! »

Entre nous, celui qui est aussi exigeant envers lui-même souffre au pire d’un Trouble Obsessionnel Compulsif, à défaut de n’avoir qu’une personnalité obsessionnelle et s’il est si rigoureux envers les autres, il fait montre d’une psychorigidité. En tout cas, c’est à des années-lumière de la manie (trouble bipolaire) telle que décrite en psychiatrie. En effet, le maniaque vit tellement tout de façon accélérée que ni pensées, ni actes ne sont coordonnés. Résultat : une hyperactivité non-productive qui donne un piètre aspect bordélique à son espace de vie. Vous saisissez la différence ?

3/ Passons maintenant au « psychopathe » de service

Il suffit que des groupes armés à la Boko Haram vilipendent, violent et tuent des innocents pour que l’on s’écrie : « C’est une bande de psychopathes ! ». Holà, il en faut plus pour mériter un verdict si handicapant.

Un psychopathe est un malade mental, comprenez « quelqu’un qui souffre », même s’il ne s’empêche nullement de faire souffrir les autres, sans remords, ni scrupules. Mais encore, faut-il que ces troubles de conduites sociales remontent bien avant l’âge de 15 ans. La psychopathie ne peut donc pas se conclure qu’à un fait. C’est un trouble de la personnalité, c’est-à-dire qu’il est permanent et quasi-irrémédiable car impacté dans le caractère du patient.

Sans critères diagnostiques valables, ces hors-la-loi qui sèment la terreur dans nos villages ne sont que des meurtriers motivés par nulle autre chose que le mal. D’ailleurs #BringBackOurGirls !

4/ Il y a toujours quelqu’un dans notre entourage qu’on traite de « parano »

La première fois que j’ai entendu ce mot, c’était à la télé. Dans les films ou les séries, il y avait toujours un conjoint qui disait à l’autre : « tu deviens parano ou quoi ? ».

Si le sens courant de ce mot se rapproche de sa signification réelle, il n’en demeure pas moins qu’il s’agisse d’une extrapolation. Un planteur du fin fond de Makak (localité camerounaise), souffrant de paranoïa, affirmera coûte que coûte que le FBI, à ses trousses, a implanté des micros dans les toilettes de sa chaumière. Allez donc savoir ce que le FBI peut bien vouloir à quelqu’un de potentiellement inoffensif, vivant en Afrique rurale et n’ayant pour seule possession qu’un champ de manioc !

C’est pour dire la démesure du discours de notre patient, qui a une personnalité paranoïaque à la base. En gros, c’est quelqu’un d’habituellement orgueilleux, méprisant, méfiant, susceptible, interprétant toute situation de travers, qui va développer par la suite un délire chronique, très résistant.

5/ On ne peut clore ce chapitre sans le très prisé « c’est une hystérique ! »

Eh oui, quand une femme qui a passé une nuit pourrie, s’est levée du pied gauche le matin, arrive en retard au boulot et explose à la moindre allusion, on conclut : « Elle est hystérique celle-là ». Oh mais, ça c’est ce qu’on dit juste après avoir qualifié sa vie sexuelle de quasi-inexistante. Ne riez pas, c’est ce que vous faites en sourdine.

C’est vrai que l’hystérique a tendance à la dramatisation, ne « se donne en spectacle » qu’en présence d’une foule et a une vie relationnelle perturbée. Mais, le conflit névrotique sous-jacent ne se joue nullement dans le champ de la conscience. En d’autres termes, le sujet de personnalité hystérique n’a pas pour vocation de tromper les autres, il se trompe lui-même sans le savoir, même si ça prend des fois l’allure d’une simulation bien orchestrée. Piège ! La finalité étant tout de même la recherche de bénéfices primaires et secondaires.

Bon, trop complexe, tout ça. La classe est terminée. L’essentiel était de savoir qu’hystérique n’est pas synonyme de femme énervée, mal b***ée ou de simulatrice et que s’étiqueter de schizophrène, revient à se taxer, en langage commun, de « fou ». De grâce, dorénavant, laissez ces diagnostics aux vrais patients qui ont besoin de traitement et de soutien.

* Trouble Obsessionnel Compulsif.

** Non en allemand.

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NathyK

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