Taxi, pardon j’ai 100, laisse moi devant !

Article : Taxi, pardon j’ai 100, laisse moi devant !
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19 octobre 2012

Taxi, pardon j’ai 100, laisse moi devant !

Taxi jaune
Taxi jaune Toyota, Bambili – Cameroun.   NathyK ©

« Taxi, Marché Mokolo, pardon j’ai 100 ». « Ping-ping ». Et le jeune-homme entra dans le taxi, « bonjour, bonjour ». Les chauffeurs de taxi au Cameroun sont communément appelés taximen. Ce sont des hommes exposés à tous les « on dit », à tous les mensonges des clients (par mobile)… un client dira  par exemple à son interlocuteur à l’autre bout du fil qu’il est au quartier Nylon alors qu’il se trouve encore à la Poste Centrale.

Généralement, ces taximen sont des hommes plus ou moins éduqués, au courant de l’actualité grâce à leur radio FM branchée de 6h à minuit. Cette actualité devenant rapidement le sujet d’une conversation animée avec les clients : « gars, tu es au courant de ce qui se passe en Côte d’Ivoire » ? « Tu as ya les histoires de fraude » ? « Ne me dis pas » ! « Moi-même je wanda ». « Vraiment les whites nous prennent pour des mougous ». « Ils croient que c’est le lait, on va leur chou qu’on ne lap pas ».

L’homme descend du taxi et lance au chauffeur « gars, on est ensemble » ! On est ensemble où ? C’est juste une expression. Ainsi, au fil des divers dialogues, le taximan passe une journée agréable et bien rythmée.

« Taxi 250, Bata Longkak ». « Ping, ping ». Et la jeune fille se faufila dans le taxi surchargé, la place de devant étant déjà occupée par un autre client non moins corpulent. « Ma chérie, tu es jolie ». « Merci ». « C’est quel parfum »? « Pardon ». « Ton parfum sent très bon, c’est quelle marque » ? La jeune fille ne répond pas. « Tu vas où comme ça ? ». La fille agacée fait mine de ne rien entendre ou du moins de ne rien comprendre. « Mon type, s’il te plait, laisse moi là ».

Le Monsieur arrivé à destination descend du taxi. Il paye, et s’adresse à la fille en souriant : « à la prochaine » ! Et le taxi continue tout bonnement son chemin. Un jeune homme assis derrière demande au chauffeur : « mon type, s’il te plait, c’est quel morceau qui passe là ? ». « C’est le nouveau morceau de petit-pays, c’est sorti il y a 2 semaines ». « C’est balèse ! Je dois graver ça rapidement ». Le taxi est donc aussi un lieu de distraction pour beaucoup.

« Taxi 300, Emombo 2è carrefour ». « Ping, ping ». « Ouvrez la malle-arrière pardon, j’ai les bagages » dit la dame. Puis elle rentra dans le taxi déjà occupé par un client masculin. Le taxi roule à vive allure, 500 mètres plus tard, il s’arrête et prend 2 autres clients ; l’homme entre derrière et la femme occupe le siège de devant. Les nouveaux arrivants déclenchent donc une conversation qui se veut amicale.

Ils parlent des « problèmes de la vie » et éventuellement des problèmes d’argent. Sans qu’on ne sache comment, d’aucuns parleront d’hypnose, l’un soudain propose de bénir le portefeuille des autres clients et bien évidemment de la dame. La femme de devant donne son argent afin qu’il soit protégé. Protégé de quoi ? Je ne sais pas exactement. La dame de derrière, en toute confiance, délie sa langue et confie tout son argent aux nouveaux amis.

Et « comme par hasard », il se trouve qu’elle venait tout juste de toucher la tontine. Hmmmm, affaire louche ! Le taxi dépose la dame à destination, le temps qu’elle arrive chez elle pour compter son argent. Elle se rend compte qu’elle a été victime d’une très belle supercherie. C’est ça, dans les taxis, il faut ne pas faire ami-ami avec tout le monde !

« Taxi, Madagascar », « Taxi, Dakar »… Au Camer, certains quartiers ont les noms de ville ou de pays. Comment cela est-il arrivé ? Je n’en ai aucune idée. C’est l’heure de pointe, il y a la bousculade. Chacun veut rentrer chez lui avant que la nuit ne tombe. Les propositions montent… les gens sont las de la dure journée de travail, à vendre au marché derrière les comptoirs, à vendre les journaux et les gadgets en tout genre aux passants, à s’occuper de la clientèle au bureau…

Les étudiants et les élèves sont aussi fatigués et impatients de rejoindre leurs domiciles. Nos collègues, les taximen sont donc très sollicités ; c’est l’embouteillage. « Ping, pinnnnng, connaaard ». « Tu as appris à conduire où » ? « Moufff, tu es aveugle » ?… Et voila, les taximen eux-mêmes qui commencent à s’embrouiller. Les Mbéré Kaki (policiers) ne sont pas loin…

Du carrefour, où ils se cachent, ils observent la scène avec attention, se réjouissant déjà des 1000-1000 francs qu’ils vont soutirer à nos chers chauffeurs pour surcharge. Mais, ça c’est un autre chapitre.

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NathyK
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  • 100 : comprenez « 100 FCFA ».
  • Ya : compris, argot camerounais tiré de l’anglais « «yeah ».
  • Whites: blancs, argot tiré de l’anglais « whites ».
  • Mougou : bête, idiot.
  • Wanda : halluciner ou s’étonner, de l’anglais « wonder ».
  • Shou : montrer, de l’anglais « show ».
  • Lap : rire, de l’anglais « laugh ».
  • Mouff : insulte assez commune, pas très méchante.
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