SENEGAL, Terre de la Teranga #3

Article : SENEGAL, Terre de la Teranga #3
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6 avril 2013

SENEGAL, Terre de la Teranga #3

Après un long moment d’absence, notre autocar de tourisme propose à nos voyageurs mondoblogueurs, un aperçu de l’ambiance des rues de notre ville : Dakar, « the place to be » dans les huit prochains jours !

 

Car Rapide
Car Rapide, Dakar                                                            Source : Wikimedia

5. Car rapide, Tata ou Dakar Dem Dikk

« Bienvenue, vous êtes à bord du Dakar Dem Dikk… Merci de votre fidélité… Faites l’appoint de monnaie avant de monter, c’est votre devoir… Avancer au fond, c’est penser aux autres ».

Tels sont les multiples messages qu’on peut lire sur le tableau d’affichage situé à l’avant du gros bus bleu appelé Dakar Dem Dikk. C’est ce type de bus moderne aux sièges jaunes répartis sur les cotés et à l’arrière de l’engin, avec une cabine réservée au contrôleur, au milieu, près de l’exit.

Le design intérieur fait penser à celui d’un métro européen, principalement à cause des colonnes plantées tout le long du bus qui servent à s’agripper lors des tournants incisifs qui sont tout de même rares car la plupart des chauffeurs de ces bus sont lents et prudents.

Les bus sont très souvent bondés surtout en période de pointe et avoir un espace debout près de la vitre devient un privilège que seuls peuvent avoir les premiers occupants. Je suis arrivée à destination. J’appuie sur le bouton de signalement sur la colonne qui est la plus proche de ma main et je me dirige tant bien que mal vers la sortie, c’est-à-dire en m’insinuant agilement entre les voyageurs éreintés. Oufff ! De l’air pur sur mon visage 🙂

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Tata, c’est le nom du premier autobus que j’ai emprunté au Sénégal. C’était un grand bus blanc/bleu mais moins spacieux que le Dakar Dem Dikk. C’était le numéro 46 qui m’emmenait au Rond Point Liberté 6, non loin de mon lieu de résidence. Nous avions la chance d’être confortablement assises, mon amie et moi. Je me souviens que nous avions tellement sillonnés le quartier que j’avais l’impression que l’on tournait en rond.

A chaque carrefour, le bus s’arrêtait pour décharger les passagers arrivés à destination et en prendre d’autres. Les rues ou je devrais plutôt dire les ruelles – tellement leur étroitesse contraste avec les rues de Johannesburg ou de Yaoundé – étaient presque toutes protégées du feuillage d’arbres, révérés en période de chaleur. La chaleur au Sénégal, c’est une expérience épuisante à vivre du mois de Mai jusqu’en Novembre ! Le seul bénéfice de cette période, c’est la plage avec son lot de loisirs.

Pour mettre pied sur terre, nous prononçons la simple formule : « arrêt », à 50 mètres de notre destination. Par la suite, j’ai régulièrement emprunté ce bus surtout le matin, lorsque je me rendais à l’hôpital Fann. Mais son affluence et sa lenteur ont vite fait de me décourager. En effet, tant qu’il y a de la place pour poser un pied à l’entrée du bus et bien le bus n’est jamais plein !

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Je me suis donc rabattue sur les Cars Rapides. C’est espèce de car original multicolore, à la décoration surchargée ; on peut y voir, entre autre, des inscriptions : « Alhamdoulilahi » à l’avant du bus et « transport en commun » sur les côtés ; sur le capot, des gros yeux bien dessinés surmontés par des sourcils comme sur une vraie face ; sur chaque coté, un losange coloré, un oiseau et des fleurs dessinées ça et là. Bref, c’est une œuvre d’art ambulante sauf que l’intérieur fait plus penser à une pièce antique délaissée depuis des siècles.

L’apprenti vous apostrophe à 50 mètres du bus et vous accompagne même jusqu’à la porte arrière qui est l’entrée principale du petit autocar. Le geste gênant, c’est sa main qu’il pose sur votre dos pour vous encourager à monter à bord et bien souvent, elle n’est pas la bienvenue car vous allez en fait ailleurs.

A l’intérieur, le touriste ne manque pas de remarquer les grosses fenêtres libres sans aucune vitre qui laissent passer du vent. Idéales en période chaude, mais parfois elles exposent les passagers aux fréquentes odeurs nauséabondes provenant des canalisations souterraines défectueuses et débordés. Les larges flaques d’eaux usées, stagnantes sont malheureusement des images qui ternissent le paysage pittoresque de la capitale de la Teranga.

Les Cars Rapides sont vieux, aussi vieux que la première guerre mondiale. Presque tous ont un plancher troué. Attention à vos pièces de monnaie, vous risquez de faire le salaka* forcé et de n’en avoir plus assez pour donner ses 75 francs à l’apprenti. Gare aussi à vos pieds !

Dernièrement, j’ai été arrosé par les gouttes qui s’étaient infiltrées à travers ces interstices lorsque le car traversait à vive allure une nappe d’eau sale. Je me suis tout de même estimée chanceuse comparée à un ami à moi qui a écopé d’une vilaine entorse parce que son pied qui était pourtant dans le car s’est subitement retrouvé frôlant le goudron !

J’inspecte donc bien autour de moi, les sièges sont disposées de manière singulière : les deux premières rangées face à face, suivies de deux autres rangées sur chaque coté. Ce qui libère de la place au milieu pour les derniers arrivants qui se tiendront debout. Je guette l’apprenti. Il a disparu, puis comme par enchantement, je le vois refaire surface. En fait, il se tenait caché à l’extérieur du véhicule, derrière la porte… à l’affût du moindre client.

Tiens… un pied de chaussure poussiéreux en cuir ciré et paillettes roses est suspendu au plafond. J’ai ouïe dire que ce genre de chaussure sert généralement de gris-gris. Les Sénégalais croient tellement aux forces surnaturelles au point où tous les moyens sont bons pour se « protéger » ou attirer la chance et la fortune de son côté. C’est ce qui d’ailleurs explique les queues que l’on retrouve en bas et à l’arrière des Taxis, près du tuyau d’échappement. Non, ces queues de cheval ne sont pas un moyen ingénieux mis au point pour balayer les rues 🙂

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Parlons des Taxis : ils ne font pas le transport en commun mais qu’ils taxent chers ces sacrés Taxis ! 2000 ou 2500 francs pour une destination de 20 minutes… A Yaoundé, avec ce prix, on pouvait – je ne sais pas si c’est toujours le cas – se payer une course d’une heure où le Taxi nous accompagne durant toutes les étapes de notre trajet.

De toutes les façons ne vous laissez pas faire ! Le secret est de se renseigner en avance sur le prix approximatif des destinations voulues, chez un connaisseur. Puis aborder le chauffeur en lançant un fraternel Salam Aleykoum et lorsque de Liberté 6 à Fass bâtiment, il vous propose 2000 francs, répondez sans sourciller 800 francs, s’il insiste, vous lui dites 1000 francs rêk, il fera mine de s’en aller mais s’arrêtera 2 mètres plus loin et vous faire signe de monter.

L’ami Madigbè m’informait via un billet récent qu’il y a aussi des Taxis Sisters au Centre ville de Dakar. Vu que je ne fréquente pas les lieux huppés, je doute d’avoir un jour la chance de me faire conduire par l’une de ces femmes intrépides. Alors là, je ne pense pas pouvoir faire ma maligne avec mes « 1000 francs rêk ». Façon Taxi Sister là est même équipé de micro !

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Il y a aussi ce cousin du Car Rapide dont j’ai presque oublié de parler, celui qui fait la ligne Pikine – Castor – Fann. On les appelle les Ndiaga Ndiaye. J’ai l’impression que ceux là, on les a pris direct des camps de concentration allemands pour les recycler en taxi-bus sénégalais. Tellement, ils sont vieux, robustes, rouillés et encrassés.

Le premier que j’ai emprunté était décoré d’un tissu léger, dentelé, rouge vif, de mauvais goût, qui faisait office de rideau à chaque fenêtre. Il y en avait aussi entre chaque rangée, on se serait cru dans un funérarium. D’autant plus qu’il y avait toute une collection de photos de marabouts et de lutteurs accolées sur le pare-brise.

Il faut être vacciné contre le tétanos pour pouvoir emprunter ces cars. Les portières ne fonctionnent plus correctement, il faut des loquets pour pouvoir les faire tenir. Si le Ndiaga Ndiaye était un être humain, il serait un vieillard édenté rivalisant avec Usain Bolt.

Je les affectionne tout de même car là au moins, on a l’assurance de trouver une place assise et relaxante après une longue journée chargée. Pour signaler au chauffeur un arrêt ou une mise en marche, l’apprenti tape fortement de sa main ou à l’aide d’une pièce de monnaie la tôlerie du car.

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Enfin, il n’est pas rare d’entendre de ma fenêtre, tôt le matin, le bruit des fers d’un cheval qui remorque une charrette, transportant par ce moyen l’approvisionnement en gaz du quartier ou encore d’apercevoir de mon balcon des jeunes en patins à roulettes, accrochés à l’arrière d’un véhicule. Mais de toutes, la scène la plus insolite qui m’a été donné de voir, c’est celle des bœufs se faufilant entre les véhicules, dans un carrefour très embouteillé.

Il y a tant de moyens intéressants et amusants de se déplacer dans la capitale sénégalaise. Si j’avais à les classer, je dirais que le moyen :

  •   le plus moderne : le Dakar Dem Dikk
  •   le plus rapide : le Taxi
  •   le plus classe : le Taxi Sister
  •   le plus commun : le Tata
  •   le plus original : le Car Rapide
  •   le plus relaxant : le Ndiaga Ndiaye

Si vous n’êtes toujours pas satisfait du confort, alors achetez à crédit une rutilante 4×4 et allez frimer à Ngor-Almadies le Samedi soir !

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NathyK

salaka*: aumône
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