Femme Polyandre

Article : Femme Polyandre
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19 février 2013

Femme Polyandre

Femme toute puissante
Femme toute puissante                                                  NathyK ©

Et si la polyandrie était commune ? Drôle de question, n’est-ce pas? Drôle ou même absurde, parce que l’on a l’impression que l’on détient de prime à bord la réponse : « non, non et non… ça n’arriverait jamais » ! Mais pourquoi donc ? C’est ça la vraie question du vrai-faux débat que je prends la responsabilité d’animer ici.

Je sais déjà que l’idée de la femme toute puissante est inadmissible pour la majorité et même farfelue autant pour les hommes que les femmes. Ah si si, beaucoup de femmes militent pour réclamer leur infériorité face à leur partenaire masculin ou plutôt –pour faire plus jolie- la supériorité innée et même divinement ordonnée de la gente masculine. Au risque de me faire détester, je poursuis quand même…

J’arpentais comme à l’accoutumée les couloirs de ma division hospitalière lorsque j’aperçus mes trois collègues dans la salle de garde en pleine discussion. Je décidai de rejoindre gaiement leur conversation qui apparemment portait sur les relations de couples et plus précisément dans le cas de la polygamie. La polygamie, ce sujet qui « chauffe ». Aphtal, Danielle et Sinatou ne me démentiront pas. D’autant plus qu’il y a tout juste dix jours, se tenait à Dakar, au Laboratoire de l’imaginaire, une table ronde sur « La question de la polygamie au Sénégal (évolution, formes, perspectives, etc.) ».

Pour revenir à notre conversation, mon collègue, de genre masculin, se laissant porter par son imagination, énonça le schéma suivant :

Lundi, la femme va rendre visite à son mari n. 1 dans ses appartements privés. Elle y passe la nuit et prend congé de lui le lendemain matin.
– Mardi, elle appelle son mari n. 2 et lui dit : « écoute, prépare toi, demain, je viens te voir ».
– La femme passe la journée de Jeudi en compagnie du mari n. 3.

Oui, oui. Il s’agit bien de la femme polyandre, toute puissante, qui jour après jour, fait le tour, sans contraintes, de ses trois époux logés dans leurs différents appartements. Elle se la coule douce et s’occupe à merveille de ses enfants.

Comme prévisible, ce dessin imaginaire, ne manqua pas de faire son effet choquant. Pour le rendre plus digeste, nous fûmes forcés de le prendre sous le ton de la rigolade. Mais en réalité, nous savions tous où il voulait en venir.

Le plus vieux d’entre nous lui fit remarquer que cela ne pourra jamais exister car bien entendu : « ce n’est pas possible, aucun homme ne pourra l’accepter ». Mais ce que j’ai trouvée intéressant, c’est lorsqu’il poursuivit en ces termes : « je comprends ce que tu veux dire. C’est parce que les hommes abusent des femmes et ce n’est pas bien. Par ta pensée, tu veux les défendre. Tu as raison ».

Mon ami acquiesça et conclut en disant : « c’est très facile de prendre le dessus sur les autres et leur faire du mal sans se préoccuper de leurs sentiments et de leurs souffrances. Le jour où les hommes envisageront que la polyandrie est possible, la polygamie prendra fin ».

C’est de cette discussion qu’est parti mon intérêt de savoir ce que les sociétés pensaient de cette pratique qui consiste à reconnaitre à une femme plusieurs époux simultanément. Ainsi, j’appris que ce modèle a existé ou existe toujours chez les Massaï (Kenya), les Bororos (Brésil), dans l’Himalaya et d’autres endroits d’Asie.

Dans certaines de ces régions, la polyandrie fraternelle (plusieurs frères peuvent prendre la même épouse) ou son contraire la polygynie (plusieurs sœurs épouser un même homme) étaient de mise. Cette forme d’union, en voie de disparition, était effectivement pratiquée pour des raisons socio-économiques, mais surtout pour sauvegarder le patrimoine familial.

La question que l’on pourrait se poser ici, c’est celle des enfants. Comment attribuer tel enfant à son géniteur ? Dans ces sociétés, pour des soucis d’unité, l’enfant appartenait à tout le monde. La structure familiale était organisée de telle sorte le plus important, c’était le rôle que chaque enfant devait jouer en tant qu’aîné, cadet ou benjamin. Mais dans des « endroits plus modernes », un simple test d’ADN, répondrait à cette interrogation.

Et chose paradoxale que j’ai notée. Dans le type de société décrit, ces femmes arrivaient à mieux appliquer l’espacement des naissances. On serait tenté de croire que plusieurs maris équivaudraient à une ribambelle de mioches. Mais ce qu’on oublie, c’est que la femme toute puissante détient le contrôle de sa sexualité. Elle voit qui elle veut, quand elle veut !

Ce type d’union multiple n’est bien évidemment pas exempte de problèmes de jalousie, tout comme dans la polygamie. Ce qui est bien souvent à l’origine de séparations définitives. Dans ces cas, c’est à la femme toute puissante d’user au maximum de sa diplomatie pour tempérer les ardeurs des ses époux.

La polyandrie, dans les forums que j’ai parcouru, a été assimilé à de la prostitution. Encore qu’ici il s’agit de mariage et non d’union libre, ni de relation sans lendemain. On revient donc à l’éternel questionnement : « pourquoi une femme qui a plusieurs amants est prise pour une débauchée alors qu’un homme qui empile les conquêtes est adulé comme un demi-dieu » ?

Ce qui semble plus poser un problème, ce n’est pas la « possibilité de la polyandrie » puisque d’après les exemples sus-évoqués, elle est tout-à-fait possible. Mais c’est plutôt son acceptation dans la société, dans laquelle nous appartenons, qui est impossible. C’est cette même société qui tolère et supporte les violences domestiques, l’excision des petites filles, les viols, l’infidélité… et la polygamie.

C’est bien beau de dire : « je prendrais quatre femmes inch’Allah » comme si c’était une obligation, tout en oubliant l’autre moitié très importante du pacte « et je les traiterai toutes de façon juste ». Et encore, est-il possible de traiter quatre femmes de façon juste ? Comme de nos jours, avec la crise et la conjoncture, l’éducation convenable des tous ces enfants est devenue presque mission impossible, ne serait-il pas mieux de se limiter à la monogamie (comme en Tunisie et à Madagascar) ?

Je ne suis pas féministe. Je crois juste en la parité homme-femme. Je crois en l’égalité des droits de tous les humains, bien qu’ils soient fondamentalement différents dans les rôles qu’ils ont à jouer dans la famille et dans la société. Je crois en un partenariat.

Celui où une femme et un homme, s’asseyent à la même table, partagent le même repas et décident ensemble au cours d’une consultation équilibrée de comment tenir leur foyer.

Ce qui déterminera la dynamique de leur échange, c’est la justesse des idées contributives et non la prétendue ascendance liée au sexe. Ce qui les renforcera, c’est leur capacité à s’unir autour de la décision prise ou à concéder, à tour de rôle, en cas de vision différente. En bref, chacun aura une part de responsabilité égale.

L’homme à lui seul ne pourra rien faire, la femme toute seule ne pourra tout faire. Mais, tous les deux, tels les ailes d’une colombe préparée à un long périple, ils pourront tout accomplir au nom de l’amour.

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NathyK

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