12 octobre 2013

La nouvelle génération des leaders africains

African Leadership Academy
Siège de l’African Leadership Academy à Johannesburg.
© NathyK

« Dans cinquante ans, vous aurez laissé votre marque sur ce continent en tant que génération et en tant qu’individus. L’Afrique sera transformée grâce à votre dur labeur. »

Ce sont les mots extraits du discours de Graça Machel Mandela, à l’ouverture officielle de l’African Leadership Academy, le 08 février 2009 ; l’école panafricaine des leaders, la première de son genre, sise à Honeydew, un quartier industriel au Nord-Ouest de Johannesburg, en Afrique du Sud.

Le Ghanéen Fred Swaniker et l’Américain Chris Bradford, les cofondateurs ont à peine la trentaine quand ils décident de se lancer dans cette folle aventure, il y a cinq ans de cela. Leur vision est de transformer le continent à travers l’esprit de leadership et l’action entrepreneuriale. Le modèle de leadership implémenté est simple mais s’avère efficace au fil des années et des expériences.

      1. Le potentiel :

La première tâche est de dénicher des jeunes pleins de talents mais surtout preneurs d’initiatives, comme Joel Mwale, un Kényan âgé de 17 ans, qui après avoir subi les affres de la dysenterie dans son village natal, a fondé SkyDrop Entreprises ; une société qui a produit, à partir de l’eau de pluie, plus de 100 000 bouteilles d’eau potable en 2011. Un cas qui n’est pas isolé.

      2. La formation :

Un programme de deux ans est offert aux lauréats, qui ont pour la plupart entre 16 et 19 ans. Ils devront grandir intellectuellement et développer leur potentiel de base. Les cours obligatoires sont les classes de Leadership, d’Entrepreneurship et d’African Studies ; il faut bien connaître l’histoire de l’Afrique, sa situation par rapport au reste du monde, pour agir comme un levain et propulser le continent sur la scène internationale. Les matières plus conventionnelles telles que l’économie, le business, les langues et les sciences y sont aussi enseignées, suivant un mode très participatif.

Ces deux années seront l’occasion de mettre sur pied des entreprises pour certains et de créer un impact plus fort dans les communautés pour d’autres. Oui, vous avez bien lu. Les « ALAians », comme ils aiment s’appeler, ont compris qu’avoir des A en mathématiques et attendre tout bonnement que les régimes africains se succèdent, ne peuvent pas apporter un changement rapide et concret à la croissance communautaire. Alors, ils passent eux-mêmes à l’action.

      3. L’opportunité :

Que vaut le talent sans le travail constant et l’opportunité ?

C’est pour cette raison qu’un réseau influent de donneurs travaille en partenariat avec l’Académie. C’est grâce à leur générosité que les élèves peuvent poursuivre leurs études supérieures dans les universités les plus prestigieuses d’Amérique, assister à des sommets à l’échelle internationale, effectuer des stages dans les multinationales les plus florissantes, et ce quels que soient leurs backgrounds.

C’est à travers ces opportunités que Fatoumata Fall du Sénégal a intégré l’Université d’Harvard en 2010 et que William Kamkwamba, l’enfant prodige du Malawi, a présenté son projet de développer le secteur des Énergies de son pays, lors des conférences globales de TED, WEF et CES.

ALA cérémonie
Cérémonie d’ouverture : 6e Promotion ALA.
© NathyK

La procédure pour postuler à ALA est plus complexe. Seuls ceux qui auront démontré le plus de courage, de persévérance, de passion et de valeurs arriveront à y décrocher une admission. En effet, on dénombre trois étapes qui vont permettre de sélectionner 100 élus parmi 3000 postulants africains. Actuellement, plus d’une quarantaine de nationalités sont représentées sur le campus. Le ratio homme/femme est de 1.

Pour la petite histoire : j’ai eu le privilège d’être comptée parmi les membres du jury pour la dernière étape de la sélection de 2012 et l’une des questions posées était du style : « si on vous donne 1000 francs et vous devez ramener la somme de 10 000 francs, quel est votre plan ? ». Si vous répondez : « je vais garder cet argent à la banque et attendre que les intérêts s’y ajoutent ». Eh bien ! Vous venez d’échouer royalement au test d’entrepreneurship.

Il ne suffit pas d’avoir l’esprit créatif. Il faut également savoir énoncer et agencer ses idées de façon claire, logique et concise et ça, c’est une caractéristique de leader… Dire des choses pertinentes et constructives, en gardant une bonne dose d’humilité ; le juste milieu qui fait la réussite d’une belle présentation.

Pour clore le chapitre des opportunités, l’une des chances les plus incroyables que ces jeunes leaders ont : c’est de rencontrer des modèles d’inspiration comme le couple Obama, la chanteuse emblématique Yvonne Chaka Chaka, le gouverneur de la Banque Centrale du Nigéria Sanusi Lamido, l’ex-président sud-africain Thabo Mbeki, pour ne citer que ceux-ci.

Chaque semaine, des guest speakers issus de divers domaines, des activistes des droits de l’Homme aux scientifiques, des entrepreneurs aux dirigeants, sont invités à partager leur vision et leur expertise aux apprenants avides de savoir ; la meilleure manière de démystifier ces positions stratégiques et de se rapprocher de son rêve de futur leader.

Devenir un vrai leader ne nécessite pas seulement le savoir-faire ; il faut avant tout savoir être. Ce sont les valeurs humaines qui font le plus défaut aux patrons de ce monde. Diriger sans incarner aux préalables ces vertus équivaudrait à conduire le Titanic droit vers l’iceberg. Les six qualités les plus encouragées dans cette institution au modèle unique sont : l’intégrité, la curiosité, l’humilité, la compassion, la diversité et l’excellence.

Ces jeunes de 20 ans peuvent être très coriaces. Ils placent toujours la barre plus haute. Oui, à ALA, la valeur n’attend point le nombre d’années. C’est fou comme un article du VuvuzAla « how complex are the roots ?* », par Kwasi Adu-Berchie un étudiant ghanéen, peut dépeindre la situation africaine et y fournir des voies de sortie.

Mais c’est plus effarant, quand Estella Bih Neh Nsoh, une jeune étudiante camerounaise en 3e année de médecine à L’Université de Buéa, Alumni 2010 d’ALA, me confie que depuis 3 mois, elle est hors du pays, dû à son agenda chargé de conférence et de stages à Lagos au Nigeria et à Durban en Afrique du Sud. Si vous êtes intéressés par son histoire, suivez-nous dans notre prochain post.

« Ne doutez jamais qu’un petit groupe de citoyens conscients et engagés peuvent changer le monde ; en réalité, c’est de cette manière que le changement s’est toujours fait. » Margaret Mead

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ALA sur CNN et Al Jazeera.

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Par Nathalie Kangami.

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* How complex are the roots ? : À quel point les racines sont-elles enchevêtrées ?

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