3 juin 2014

Ceux qui changent le Monde

« Aux âmes bien nées, la valeur n’attend point le nombre d’années » dit l’adage, mais j’affectionne encore plus celui qui dit que « vouloir, c’est pouvoir », tout simplement. En fait, je suis de ceux qui pensent que les accomplissements « hors du commun » ne sont pas qu’à la portée d’une certaine catégorie de personnes élitistes, avec des backgrounds propulseurs, des diplômes impressionnants ou des comptes en banque cossus même si ces atouts peuvent aider toute personne bien intentionnée à s’investir dans une cause noble de son choix.

Revenons donc sur l’intention, la volonté, le désir, le point de départ de toute création. De la volonté part la vision. On imagine déjà notre projet sur pied. On visualise toutes les pièces que l’on va assembler pour former notre chef-d’œuvre. On rêve et dans nos rêves, il n’y a pas de limites, il n’y a qu’une infinité de possibilités que nous avons hâte d’explorer. On se voit triomphant et glorieux. Puis, un jour, on décide d’entreprendre, de faire un pas en avant et de dresser un plan.

Si les piliers de ce plan sont la connaissance et le travail, l’énergie qui le fait avancer se trouve dans la foi et la passion. On se relève après chaque chute et on retient la leçon. C’est ainsi qu’on persévère, qu’on cherche toutes les voies accessibles et qu’on met tous les moyens en jeu pour matérialiser nos idées. Et un jour, ce qui avait été pensé devient tangible.

Ceci n’est pas l’histoire d’une minorité, ce n’est pas l’histoire d’un surdoué, c’est l’histoire de celui-là qui VEUT améliorer le Monde et qui est prêt à s’engager malgré le lot de difficultés. « La vie est un risque », n’est-ce pas ? Donc arrêtons de faire nos poules mouillées et de voir tous les obstacles sur le chemin, sortons de notre zone de confort et laissons les excuses de côté parce que « qui ne tente rien, n’a… r-i-e-n ». Okay, si vous êtes toujours branchés, allons-y !

Au cours de mon dernier périple sud-africain, j’ai fait la rencontre d’une jeune femme qui appartient à la race de ceux qui ne disent plus « wèèèh, on va faire comment ? » mais qui ont la folie de croire que leur volonté de bien faire peut contribuer à alléger les souffrances du monde. En d’autres termes, ils n’indexent plus et n’attendent plus que x, y, z fassent correctement leur boulot. Ce sont des « solutionneurs » ; ils voient en chaque problème, des opportunités.

What you do for yourself dies with you but what you do for others is timeless.

Ruth Fongwa, jeune enseignante camerounaise et fondatrice de l’organisation pour orphelins Redemption Education Initiative (REI), a accepté de partager avec nous ses impressions du sommet One Young World 2013 à Johannesburg :

« One Young World 2013 était une expérience explosive. C’est un sommet qui, chaque année, réunit les jeunes leaders. Cette fois-ci, il y avait 1250 participants venant de 190 pays. Principalement des jeunes qui apportent un changement positif dans leur communauté, à plusieurs niveaux : éducation, agriculture et nutrition, santé/lutte contre le VIH, politique et gouvernance, genre, mode, etc. Nous avions pour leitmotiv : ce que tu fais pour toi-même est éphémère, mais ce que tu fais pour les autres demeure à jamais.

Le gouvernement à lui seul, quel que soit son degré d’investissement, ne peut jamais résoudre tous les problèmes d’un pays. Alors, au lieu de se plaindre constamment, les jeunes peuvent former des partenariats avec leur gouvernement ou des institutions privées afin d’œuvrer pour le changement. En commençant par créer une forte base éducationnelle, accessible à tous les citoyens, parce que l’éducation est l’outil de changement le plus durable et il reste un prérequis pour la vraie prospérité.

Il y avait nombre de conseillers au sommet dont Kofi Annan, Winnie Mandela, Mohammad Yunnez, le vice-président de l’Irlande (prochain pays hôte), plusieurs chefs d’entreprise à l’instar du PDG de Barclays et même des Prix Nobel. Les ateliers et les séances plénières étaient l’occasion pour moi d’apprendre le meilleur des autres et j’espère retourner en 2014, en tant qu’ambassadrice, au sommet de Dublin, pour partager l’évolution de mon projet d’éducation des orphelins. »

Servir l’Humanité est la plus grande œuvre de la vie.

REI children
Ruth et les enfants orphelins.                       Crédit Photo : REI

Quelle œuvre a donc accompli Ruth Fongwa pour se retrouver parmi 1250 jeunes personnes qui servent d’une manière ou d’une autre leur communauté ?

Poser le problème :

Lors de la Journée Internationale de l’alphabétisation, le 08 septembre, le Secrétaire Général des Nations Unies a déclaré dans son discours que c’est en Afrique qu’on retrouvait les plus grands taux d’analphabétisme. Mr Banks a suite révélé que 776 millions d’adultes, en majorité des femmes, ne savent ni lire, ni compter tandis que 75 millions d’enfants ne vont pas à l’école.

Ce qui est une situation très grave compte tenu du rôle déterminant de l’alphabétisation dans l’avancement de la société puisqu’elle donne aux gens l’opportunité :

  • d’améliorer leurs conditions de vie ;
  • d’avoir accès à l’information, la connaissance ;
  • de participer à la prise de décision ;
  • de mieux prendre soi d’eux-mêmes, notamment dans le domaine de la santé ;
  • et plus que tout, d’exercer leurs droits et devoirs en tant qu’êtres humains et citoyens.

« Les pauvres et les riches ne peuvent pas communiquer parce qu’ils n’ont pas les mêmes mots. Quand on parle de millions de personnes qui sont culturellement réduits, on ne parle pas juste de ceux qui n’ont pas accès aux bibliothèques, aux librairies, aux musées et aux centres d’art, mais de ceux qui sont dépourvus de mots sur lesquels tout ce construit, les mots qui ouvrent les portes. 

Ces enfants sans mots sont anéantis avant même de démarrer leur vie. Les jeunes de ghettos ne connaissent pas la signification de centaines de mots qu’utilisent quotidiennement les enfants de riches parce que la majorité n’a jamais vu leurs parents lire un livre ou faire un travail intellectuel. Cette situation crée le cercle vicieux de l’ignorance, de la pauvreté et du crime. Résoudre le problème de l’analphabétisme reviendrait à réduire l’incidence des autres fléaux. »

Participer à la solution :

La REI a été mise sur pied le 18 septembre 2011, dans le but d’aider à éradiquer l’analphabétisme chez les orphelins d’Afrique, en commençant par ceux du Cameroun. Cette action s’inscrit dans la même lancée que celle des Nations Unies qui comptent maîtriser ce fléau en 2050.

La REI s’est intéressée particulièrement aux orphelins du fait qu’elle a constaté que des 70% de garçons et des 64% de filles qui avaient accès à l’école primaire, moins de 40% parvenaient à leur dernière année d’études élémentaires parce qu’ils avaient perdu parents et tuteurs.

La majeure partie de la population orpheline, estimée à près de 6000 enfants dans la région du Nord-Ouest du Cameroun, s’adonnait au petit commerce et aux travaux champêtres dans le meilleur des cas. Paradoxalement, l’argent durement gagné servait à payer l’éducation des enfants de leurs tuteurs-bienfaiteurs ! Pourtant ces enfants délaissés sont pour la plupart talentueux, ils rêvent tous d’avoir une chance de développer leurs capacités, d’avoir accès à l’internet et de se faire une place dans le monde.

La REI a donc décidé de travailler avec les enfants, les familles, les communautés, les organisations et le gouvernement afin de changer la destinée d’au moins 400 orphelins camerounais par année.

« La promesse de l’éducation ne se limite pas à savoir lire, écrire ou compter. Lorsqu’elle est pleinement réalisée, cette promesse permet d’apprendre à s’intégrer dans la société, faire face aux difficultés et donner le meilleur de soi-même. Une éducation décente accorde à chaque enfant la fondation dont il a besoin pour atteindre son plein potentiel. C’est un droit fondamental dont aucun enfant ne devrait être dépourvu. »

Réalisations et évaluation :

Concrètement, Ruth Fongwa et son équipe, inscrivent les enfants à l’école, leur fournit du matériel scolaire et s’assurent de leur évolution sur les plans académique, social et moral tout au long de l’année. Ces derniers vivent déjà dans les orphelinats ou des familles d’accueil. Ils sont aidés par des partenaires, des donneurs mais aussi grâce à leur initiative d’auto-subsistance comme la culture et la vente des légumes locaux.

Au fil des ans, des améliorations faites ont porté sur l’aide sanitaire, l’attribution du matériel sportif et des livres en vue d’ouvrir une bibliothèque. Plusieurs élèves sont premiers de leur classe. La vie d’enfants aveugles, abandonnés, issus de viols ou de mères mentalement atteintes, a radicalement changé. Ceux qui se voyaient devenir vendeurs de sable, conducteurs de moto-taxis ou planteurs rêvent désormais d’être dans la peau des médecins, des ingénieurs ou encore des enseignants.

Alors, comme le souligne le Nigérian Ofili, dans sa petite histoire The danger of being a writer, ne soyons pas justes des narrateurs des échecs du monde, profitons de l’instant présent pour participer activement à la construction de ce monde dont on rêve tant.

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NathyK

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